Description
COMMODE D'EPOQUE LOUIS XIV ATTRIBUEE A NICOLAS SAGEOT (1666-1731), PARIS, VERS 1700-1710
En marqueterie en première partie et contrepartie de cuivre et écaille rouge, placage de bois noirci, ornementation de bronze ciselé et doré, ornée de motifs à la Bérain, le plateau rectangulaire aux angles arrondis à l'avant, ceint par un quart-de-rond de cuivre, la façade en arbalète ouvrant par quatre tiroirs à traverses, flanqué de montants en pans coupés formant consoles en leur partie inférieure et de petits refends en partie haute, reposant sur quatre pieds à sabots en forme de pieds de biche feuillagés ; restaurations aux pieds
Hauteur : 81 cm. (32 in.), Largeur : 108 cm. (42 1/2 in.) Profondeur : 59 cm. (23 1/4 in.)
A LOUIS XIV ORMOLU-MOUNTED EBONISED, TORTOISESHELL AND BRASS MARQUETRY COMMODE ATTRIBUTED TO NICOLAS SAGEOT (1666-1731), PARIS, CIRCA 1700-1710
Provenance:
Vente Tajan, le 24 mars 1997, Paris, Hôtel Georges V, lot 86.
Deux autres pièces de mobilier estampillées du fer de Nicolas Sageot et présentant des similitudes très importantes avec notre commode rendent certaine son attribution à la production de cet ébéniste. Il s'agit notamment d'une commode exécutée probablement à la même époque : à peine plus grande et d'une composition identique, à quatre rangs de tiroirs en arbalète, elle est aussi recouverte de marqueterie en partie et contrepartie en cuivre et écaille rouge et porte la marque de Sageot (1). Comme sur notre commode, les tiroirs sont ornés de motifs identiques et on retrouve sur son plateau le même type d'encadrement, ainsi que les deux réserves latérales cintrées, avec les personnages vêtus dans des costumes de la commedia dell'arte (2). Seule l'absence du tablier, ainsi que le modèle de la réserve médiane du plateau et le décor des panneaux latéraux constituent les quelques différences entre la commode exécutée par Sageot et celle-ci. En revanche, sur un bureau plus ancien, à caissons et huit pieds en consoles, conservé dans les Collections royales de Suède (3) et estampillé par Nicolas Sageot, la composition du plateau est pratiquement identique à celle de notre commode, à l'exception du motif renfermé dans la réserve médiane : le personnage assis jouant d'une guitare et entouré par deux amours ailés qu'on voit sur le bureau, a été remplacé dans notre cas par une figure allégorique assise sur un char tiré par quatre chevaux. Sorte de personnification de la Victoire ou peut-être bien de la Prudence, car elle porte à la main gauche un miroir dans lequel se reflète un serpent, cette dernière est inspirée comme souvent dans le cas de ce type de décors marquetés, par les projets d'ornements de Jean Ier Berain, sans reproduire toutefois exactement l'un d'entre eux. On retrouve ainsi dans plusieurs compositions de Berain tantôt le personnage féminin assis, avec ou sans écharpe à effet de vent, tantôt les quatre chevaux, aussi bien que le personnage qu'on aperçoit sur les réserves latérales, mais différemment costumé, etc. (voir. Ills. ci-dessous).
Cette manière de concevoir le décor en marqueterie de cuivre et d'écaille, qui forme le revêtement des meubles de Sageot, caractérise plus généralement une grande partie de l'ébénisterie parisienne datant du dernier quart du XVIIe siècle et des premières deux décennies du XVIIIe. Elle trouve son origine dans l'activité de différents ateliers de marqueteurs qui utilisaient les modèles inspirés par Berain, tout en les adaptant aux exigences imposées par les commandes précises des ébénistes, soit qu'il s'agissait de bureaux, de commodes, d'armoires ou de bibliothèques, etc. Ainsi, la collaboration entre Sageot et le marqueteur Toussaint Devoy (†1753) - mise en évidence par l'article de M. Pierre Grand sur " Le mobilier Boulle et les ateliers de l'époque " (4) - est révélatrice dans ce sens. Il n'est pas surprenant donc que des décors très similaires avec ceux du revêtement de notre commode se trouvent sur plusieurs meubles qui peuvent être rattachés à l'atelier de Nicolas Sageot, soit qu'il s'agisse des motifs des tiroirs (5) , soit, en grande partie, de ceux ornant le plateau (6).
Relativement abondante, cette production conservée, estampillée ou attribuée à Sageot, laisse présumer de l'ampleur de son atelier et du rôle important joué par cet ébéniste sur le marché du mobilier parisien pendant les dernières années du règne de Louis XIV. Bien qu'on ne dispose d'un inventaire de l'atelier du faubourg Saint-Antoine, cette supposition se voit confirmée par les deux ventes de son fonds de commerce conclues par Sageot en 1720, lorsqu'il céda pour 12 000 livres de bois d'ébénisterie au marchand Claude-François Mainguet et pour 16 000 livres de meubles au marchand joaillier Léonard Prieur (7). Parmi ces derniers figuraient entre autres, quatre commodes de trois pieds huit pouces [119,10 cm] de long aussi de marqueterie de cuivre et d'écaille et pareillement garnies de bronzes valant mil livres, deux autres corps de commodes aussi de marqueterie de trois pieds huit pouces garnis de bronze pour le prix et somme de quatre cent livres, etc.
(1) Vente à Paris, Hôtel George V, Me Tajan, 20 décembre 1994, n°35.
(2) La même composition générale se retrouve également sur une autre commode, non estampillée mais exécutée certainement par Sageot, vendue par Sotheby's, Monaco, le 22 juin 1986 et illustrée dans Pierre Grand, " Le mobilier Boulle et les ateliers de l'époque ", L'Estampille-l'Objet d'Art, 266, février 1993, p.58, fig.14-15.
(3) Stockholm, Kungl. Husgeradskammaren, inv. H.G.K. 215, également reproduit dans Pierre Grand, ibid., p.50, fig.2-3.
(4) L'Estampille-l'Objet d'Art, 266, février 1993, p.58, fig.48-70.
(5) Sur plusieurs commodes, anc. coll. du baron Meyer Amschel de Rothschild au Mentmore Towers, puis Earl of Rosebery, Sotheby's, 18-20 mai 1977, n°135 ; Christie's, Londres, 7 décembre 1978, n°82 ; Christie's, Londres, 3 mars 1994, n°162 ; Christie's, Londres, 7 décembre 1995, n°37, portant l'estampille de Severin, qui était le gendre de Toussaint Devoy ; Christie's, Londres, 2 décembre 1998, n°80 ; Paris, Espace Tajan, 28 mars 2000, n°138 ; Sotheby's, Londres, 12 décembre 2001, n°30 , etc.
(6) Comme par exemple sur une commode avec une composition identique avec le plateau du bureau des coll. royales de Suède, mais avec un motif central différent, Sotheby's, New York, 27 octobre 1990, n°54 ; Christie's, New York, 21 octobre 1997, n°25 ; Paris, Espace Tajan, 15 décembre 1998, n°67, celle-ci avec le même personnage jouant de la guitare que sur le bureau de Sotckholm ; Christie's, Londres, 19 novembre 2010, n°525, etc.
(7) Arc. nat., Min. cent., XIX, 636, vente à Prieur du 26 juillet 1720 et ibid., XIX, 637, vente à Mainguet, du 26 août 1720.