Lot 190: BUSTE D’HANNIBAL Attribué à François GIRARDON (1628-1715) France, vers

BUSTE D’HANNIBAL Attribué à François GIRARDON (1628-1715) France, vers 1680 - 1700 Marbre blanc H. 84, 2 cm, L. 50, 5 cm, P. 20, 8 cm
Référence bibliographique :
Alexandre Maral, Girardon, le sculpteur de Louis XIV, éd. Arthena, Paris, 2015
Ce buste en marbre blanc sculpté représente Hannibal Barca dit Hannibal ou Annibal
(247 – 183 av. J.C), célèbre général et homme politique de Carthage, un des plus grands tacticiens militaire de son temps.
L’artiste donna à ce personnage une très importante présence morale au regard de sa tête légèrement tournée sur le côté et de ses larges yeux grands ouverts et déterminés.
Il convient également de souligner la très grande qualité des détails visibles de la
chevelure, de la souplesse des plis du linge émergeant de la cuirasse et du réalisme des franges de son manteau.
Plusieurs éléments permettent de rattacher notre œuvre dans le contexte de la sculpture française à l’apogée du règne de Louis XIV et plus précisément à la figure de François Girardon, considéré à la Cour comme l’un des meilleurs artistes de son temps.
Influencé par la sculpture italienne contemporaine qu’il connaissait suite à un voyage à Rome au milieu du XVIIe siècle, notre artiste propose un buste à la découpe irrégulière. La position de la tête, posée sur les épaules légèrement sur le côté n’est pas sans rappeler le buste du théologien janséniste Antoine Arnauld .
On retrouve cette caractéristique de l’Œuvre de Girardon dans le buste du Grand Dauphin dont un exemplaire figure dans les collections de la Walters Art Gallery de Baltimore.
Girardon montra ses réactions face à l’Antiquité dans un buste d’Annibal réalisé pour
Marly et aujourd’hui dans le parc de Versailles. Dans cette œuvre, tant le drapé
que le traitement de la barbe et des cheveux présentent de nombreux points communs avec notre sculpture. On observe également ce même travail des petits plis qui sortent de la cuirasse.
L’autre élément de comparaison renvoyant notre buste d’Hannibal au travail de Girardon réside dans la superbe tête de Méduse au centre de l’armure. Cette tête flanquée de manière insolite par deux ailes de dragons et un très grand graphisme des serpents se retrouve sur le bouclier qui décore un des réflecteurs en marbre exécutés pour la fontaine du bosquet des Dômes à Versailles, réalisée par Girardon entre 1676 et 1678 . On constate en outre un traitement similaire du ruban d’étoffe qui lie les armes à l’arrière du bouclier et celui qui ferme les épaulières de notre buste.
Au-delà de ces comparaisons stylistiques et iconographiques, on sait que Girardon
possédait dans ses collections un buste d’Hannibal à l’iconographie et au style très proche de notre œuvre. Il apparaît dans la célèbre « Gallerie de Girardon », gravure décidée par notre sculpteur vers 1700 et qui illustre les pièces les plus importantes de sa collection.
Dans la planche III (partie centrale), sous le n° 23 est présent un buste ainsi décrit :
« Annibale, teste de bronze d’après l’antique posée sur un scabellon » (fig. 5 et 6).
La bibliothèque Mazarine de Paris conserve un buste en bronze reprenant notre sculpture. Il est attesté que ce modèle en bronze est issu de la collection de Girardon. Celu-ici figure dans l’inventaire après décès du sculpteur sous le n°62. Pour sa réalisation très probablement dans son atelier, Girardon se serait inspiré du buste présent dans sa collection sans pour autant le reproduire fidèlement. Notons enfin que l’antique de ce buste n’a à ce jour pas encore été identifié. Mais la comparaison qui ne laisse pas place au doute est celle qui rapproche la tête de Méduse au centre de la cuirasse de l’Empereur de celle quasi identique sculptée par Girardon sur le bouclier qui décore un des réflecteurs en marbre exécutés pour la fontaine de la Renommée dans le parc de Versailles en 1676-1677 (cf. Souchal, op.cit. IV, 1993, p.100, n°39). Ce n’est pas seulement l’invention qui coïncide (caractérisée par une insolite crête palmée et une masse très calligraphique
de serpents), mais aussi l’exécution et le langage formel : par exemple, le traitement
identique du ruban d’étoffe qui lie les armes derrière le bouclier de Versailles et celui
qui ferme les épaulières de l’armure impériale. Par ailleurs, le fait que la qualité soit
nettement plus haute dans la Méduse de notre buste permet de l’attribuer sans l’ombre d’un doute et intégralement à la main de François Girardon, et de le dater de la même période, c’est-à-dire vers 1680.
Probablement notre buste intégrait une série de bustes impériaux plus nombreuse : une série aux mille emplois possibles dans les galeries et parcs de Paris au temps du Roi Soleil. Mais on pourrait aussi envisager également une commande provinciale : on sait, par exemple, que le maire de Troyes (ville natale de Girardon) possédait une série de vingt bustes de Girardon qui représentaient des «rois et empereurs tirés des antiquités grecques et romaines, ainsi que quelques-uns des plus récents rois de France» (Souchal,op.cit., II, p.74, n°105).