Description
Antonio ROSSETTI (1819 - 1870) La jeune esclave dite 'L'Esclave nubienne' 1860 Sculpture en marbre blanc , elle repose sur un piédestal en marbre orné de quatre scènes bas-reliefs et de décor de fleurs et de cannelures Signée, située et datée " A ROSSETTI F. ROMA 1860 " dans un cartouche sur la base H. 105,5 cm P : 63 cm H. du piédestal 86 ,5 cm D. total 78 cm EJG Encrassement et rouille, petits accidents et manques (dont bout de l'orteil droit manquant) , cassure dans la partie inférieure du piédestal Oeuvres en rapport : -Antonio Rossetti, L'Esclave nubienne, copie d'une oeuvre de 1858 (maintenant dans une collection privée), marbre blanc, Botanic Garden, Glasgow, Ecosse , - Antonio Rossetti, Odalisque assise,1872, marbre, H. : 109,5 cm, vente Sotheby's Londres, 02/07/2013 Littérature en rapport: -Ray McKenzie, Public Sculpture of Glasgow, 5th volume of Public Sculpture of Britain,2002, Liverpool University Press, -A. Panzetta, Nuovo dizionario degli scultori Italiani dell'ottocento e del primo novecento da Antonio Canova ad Arturo Martini, Turin,2003, - Jordan Konell, Nemerov talks American art, "The Greek Slave", Yale Daly News, 21 septembre 2011, - University of Glasgow History of Art, Mapping the Practice and Profession of Sculpture in Britain and Ireland 1851-1951, online database 2011: 'Antonio Rossetti', - Roger Botte, " Des européens au marché aux esclaves : stade suprême de l'exotisme ? Égypte, première moitié du XIXe siècle ", in Revue africaniste, t.86-2,2016, Varia, pp.6-51 , Cette sculpture monumentale représentant une femme asservie au canon idéalisé témoigne de la rencontre dans la statuaire du milieu du XIXème siècle de la tradition néoclassique, du mouvement romantique et des thématiques de l'orientalisme naissant. Reposant sur un piédestal, notre jeune esclave a été réalisée par l'artiste milanais, Antonio Rossetti, grand admirateur de Canova. Étudiant et travaillant principalement à Rome, il acquiert une solide réputation internationale en exécutant dans son atelier des oeuvres figuratives d'inspiration néoclassique. A l'instar de toute une génération d'artistes, il semble que Rossetti se soit inspiré de différents évènements historiques contemporains pour réaliser cette oeuvre à la fois poétique et porteuse d'un message politique. La Guerre d'indépendance grecque soutenue par les puissances européennes contre l'Empire ottoman (1821-1830), les débats nationaux abolitionnistes et le développement d'un tourisme tourné vers l'Orient donnent naissance au thème de l'Esclave grecque, destiné à un grand succès dans tous les media artistiques. En sculpture, le sujet est d'abord magistralement traité par l'artiste américain Hiram Powers qui réalise en 1844 à Florence sa Greek Slave (1844, marbre, Château de Raby, Angleterre). Il s'est inspiré de la Vénus de Médicis exposée à la Galerie des Offices pour représenter une jeune femme grecque, dénudée et enchaînée après avoir été capturée par des Turcs de l'Empire ottoman durant la Révolution grecque. D'abord critiquée - c'est le premier nu féminin de taille humaine exposé sur le sol américain - l'oeuvre est ensuite vivement acclamée par la critique, l'auteur dénonçant ici l'esclavage aux États-Unis. A la suite de cette oeuvre au retentissement international, le thème apparait comme prometteur et lucratif pour les artistes européens, y compris italiens, qui exécutent des images " dérivées " de l'Antique, et, désormais de l'Orient, depuis que le traditionnel Grand Tour s'est étendu aux frontières de la Méditerranées. Alors que l'esclavage est aboli au Royaume Uni depuis 1833, en France depuis 1848, et que le marché aux esclaves du Caire est officiellement supprimé en 1855, des artistes tels que Giovanni Antonio Lanzirotti ou Scipione Tadolini sont également séduits par le thème. Il leur permet de représenter de belles femmes à la nudité à peine cachée, selon le modèle hellénique, et ce, dans un esprit tout romantique : ainsi, l'Esclave en bronze exécutée en 1858 par le premier (dim. 90 x 85, Nice, musée des Beaux-Arts Jules Chéret, exposée au Salon de 1859 à Paris) et surtout l'Esclave grecque (1862, Marbre Museo de Bellas Artes, Seville) et l'Odalisque assise (1871, marbre, Vente Christie's Londres du 29 novembre 2016, lot 203) exécutées par Scipione Tadolini. Coiffées d'un turban à franges à la manière de celui couvrant la chevelure de la Grande Odalisque de Jean-Auguste Dominique Ingres (1814, Paris, Musée du Louvre, n°inv. RF1158), elles sont toutes dévêtues, avec pour seules parures, un collier, un bracelet au bras droit , leur pudeur protégée par un simple drapé. Bien que notre oeuvre soit intitulée par la littérature " l'Esclave nubienne ", elle présente tout comme les exemplaires cités, des traits du visages - et le nez surtout - caractéristiques du canon idéal donné à la beauté grecque. Sa longue chevelure ondulant jusqu'au bas de ses reins, sa ferme poitrine dénudée, son air résigné et vertueux dégagent une forte sensualité propre à plaire à un public européen fortuné et mondain. Tout comme un grand nombre des commandes exécutées par Rossetti, ou encore Tadolini, l'oeuvre était présentée et vendue avec un piédestal produit par l'atelier, dont le décor en relief se rapporte au sujet sculpté. Ainsi une autre base ornée des quatre mêmes bas-reliefs relatant l'histoire de la traite des esclaves accompagnait une autre oeuvre de l'artiste intitulée l'Odalisque assise (1872, marbre, vente Sotheby's en 2013). Les quatre scènes décrivent successivement le terrible périple réalisé par les esclaves depuis leur capture, leur voyage en bateaux négriers sur le Nil, jusqu'à leur arrivée au marché et leur vente à des prélats égyptiens ou européens. Mettant en valeur son héroïne romantique asservie, le socle pourrait bien aussi être une discrète et néanmoins visible critique de cette coutume fantasmée par la clientèle européenne, amatrice d'art et de beauté féminine.